mercredi 15 juin 2011

Chronique BD: La grand vide d'Alphonse Tabouret

À chaque fois j'en suis renversé! Comment un auteur de BD peut faire si joli, si réussi avec si peu de traits? Son personnage est créé d'une boule pour la tête, un rectangle noir pour le corps, deux petits traits pour les jambes et de longues lignes pour les bras! Ses lignes de bras, de simples lignes qui expriment tellement bien les émotions et les états d'âme. Ses lignes dansent et évoquent. Évoquent tant. Donc un dessin naïf, qui semble sortir tout droit d'un napperon de restaurant ou de marge de bottin téléphonique prend vie sous nos yeux et crédibilisent un univers entier. À chaque fois que je tombe sur ce genre d'OVNI, j'en reste pantois, amoureux. En plus l'objet est beau!

Merci Orbie qui alimente mon imaginaire par ses prêts judicieux.

L'histoire est magique. Alphonse Tabouret vient au monde avec un grand monsieur. Ce grand monsieur le quitte et notre Alphonse doit se débrouiller seul. Apprendre la vie en rencontrant diverses situations et personnages. Il s'agit d'une récit complet. Cette fable philosophique, écrite par un trio d'adulte semble tout droit sortie de la tête d'un enfant de 5 ans. C'est ce qui est fascinant: toute la naïveté, la légèreté et l'émerveillement face au monde d'un jeune enfant avec l'intelligence narrative de l'adulte. On est donc ému, questionné, bercé à travers ce conte qui aurait pu prendre toutes les directions, mais qui finalement en prend une, une bonne.

BDgest offre quelques pages en guise d'ouvre-appetit: à voir!

Chronique BD: Reconquêtes

Trois peuples s'unissent contre l'ennemi. Trahison, suspicion, manigance sont au rendez-vous dans ce premier tome qui met bien la table, mais offre peu à manger. La dernière page laisse entrevoir un tome 2 plus intense. Il faut dire qu'il y a beaucoup d'informations utiles au bon déroulement futur données dans le tome 1, même si les noms appropriés au contexte sont parfois confondants. Sur une série complète, ce type d'album est plus digeste. Comme le disait l'ami PG, ils ne peuvent tous s'appeler Juliette et Tom!


Ce qui fait la force de cet album, c'est que François Miville Deschênes s'offre le plaisir de colorer lui même son album et ce à l'ancienne! Le talent de cet illustrateur Gaspésien me dépasse. Un vrai virtuose. On peut, sans nécessairement relire, re-regarder les planches de François. Les décors sont magnifiques, les ciels comme les forêts. Les personnages hyper-crédibles dans des positions qui expriment le mouvement donne vie à l'album. On sent le plaisir qu'il a en dessinant les animaux; ours, chevaux, éléphants. Il faut prendre le temps aussi de regarder les accessoires, colliers, costumes, armures, tout est réfléchi, recherché en restant harmonieux et fluide. On remarque également, expérience oblige, une sens de la mise en scène plus aiguisé, son découpage et sa liberté avec les case sont efficaces. Graphiquement, c'est la perfection en matière de dessin réaliste.

On ouvre l'histoire sur des fugitifs dont une qui a les seins nus, un des trois peuple est composé de femme aux seins nus, le cadeau d'hôte offert au roi est une groupe de femmes aux seins nus, lors de bagarre, le premier vêtement à tomber nous donne des seins nus, la cérémonie d'avant guerre se fait avec le sacrifice d'une femme aux seins nus accompagné des prêtesses qui dansent les seins nus. Devinez qu'est-ce qu'on retrouve en arrière plan dans les scènes de tavernes, de trônes, de repas? Je crois que l'illustrateur assume ses préférences en matière de dessin anatomique... Je lui pardonne, car c'est très bien dessiné et aussi parce qu'il m'a ramené sa BD en version tirage limité de France 3 mois avant sa sortie au Québec...

mardi 7 juin 2011

Chronique BD: Coeur de glace

Tout d'abord, il faut connaître ce conte d'Andersen où ces deux enfants sont séparés par une reine de glace qui donne froid dans le dos. La pauvre petite Gerda, au nom de leur amitié, retrouvera et ramènera son bon copain Kay qui ne la reconnaissait même plus. Je crois que ce conte est moins populaire par son côté légèrement effrayant, la reine des glaces est d'une cruauté sans borne et la perte totale de mémoire questionne trop les jeunes enfants.


Ensuite, il faut connaître Marie Pommepuy, celle qui a écrit jolie ténèbre l'histoire de cette communauté qui vivait dans le cadavre d'une jeune fille perdue en forêt!?! Cette même géniale scénariste complètement déjantée décide ici de réécrire le parcours de la douce petite Gerda. Bonté d'âme, innocence, méchanceté pure, se mêlent dans les rencontres tous les plus étrange les unes que les autres dans cette quête où même le temps ne semble pas suivre le réel. En entrant dans cette BD, on entre carrément dans le rêve, il y a un fil conducteur, mais les rebondissements sont tellement inattendus, c'est jouissif! De plus, les personnages rencontrés sont complexes pour ne pas dire tordus et agissent selon leur logique qui est loin de la nôtre. Ce qu'ils font ou pensent se tient selon leur personalité mais nous paraît insensé. On a le goût de s'adresser aux personnages, de leur dire " non, ne va pas ... ne reste pas là " c'est donc très crédible malgré une totale invraisemblance. Cette dualité est un vrai régal!

Côté illustration Michel Pion est plus qu'efficace. Certaines pages où il n'y a pas de case augmentent l'aspect cauchemardesque de ce récit. Les scènes avec la jardinière sont marquantes, les embranchements et les racines mêlé à ces horribles plantes n'est pas à montrer aux enfants. Son trait me fait penser à du Rosinski du temps du cycle de Thorgal. C'est selon moi une comparaison très flatteuse.

Assis au bord de la mer avec les vagues en trame sonore, j'ai fermé cette BD en réalisant que j'avais cessé d'exister pendant près de 70 pages, satisfait d'avoir vécu hors du temps, plongé dans une histoire qui se termine aussi bizarrement qu'elle s'est déroulée. Je dis alors bravissimo!